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Civilisation : Khazad
Auteur : King of Lands
Le nain avait les yeux baissés sur une ville fantôme. Dix ans auparavant, cela avait été un village florissant au bout de la vallée, bâti le long des rives d'un torrent de montagne. Il y avait tout eu – une taverne, un poste de traite pour les bergers et fourreurs qui vivaient des montagnes. Le nain avait été à la taverne, dans le temps, dépensant en bière l'argent qu'il avait gagné en vendant des outils aux villageois. A présent, les bâtiments étaient vides ; des portes et des fenêtres avaient été cassées, mais l'essentiel était intact. Le poste de traite était toujours chaud des flammes qui l'avaient réduit en cendres. Çà et là, une fiasque ou un seau témoignaient des efforts faits pour éteindre l'incendie, et une odeur étrange flottait dans l'air, mais il n'y avait pas d'autres signes des habitants.
"Alors", dit le nain par-dessus son épaule, "je vois que tout s'est passé comme prévu."
Derrière lui, un autre nain hocha la tête, à peine visible dans le crépuscule.
"La gnôle que vous leur avez vendue a assommé la plupart des hommes", dit platement ce dernier, "et quand on a allumé le poste les autres sont sortis en courant. On les a serrés sans problème."
Le premier nain ricana et se frotta les mains.
"Bien. Si les gars se dépêchent, on les aura en vente à Hexam avant la fin de la semaine. Merci de vous en être chargé pour moi. D'autres affaires avaient besoin de moi durant les derniers jours."
"J'espère que vous avez tout de même eu le temps de vous débarrasser de ces papiers. Les Intendants n'aiment pas savoir que quelqu'un a leurs noms dans un dossier et moi non plus."
"Bien sûr. Et moi", grogna le marchand, "je n'aime pas non plus qu'on me dise qu'il faudra que je 'donne' le triple ce mois-ci pour que mes épices reviennent dans le Foyer Souterrain. Est-ce que vous savez, au moins, ce que les seigneurs équins demandent pour ces satanées racines ? C'est vous qui avez allumé la mèche ici, pas moi. Mais je dois vous dire, je suis désolé de vous avoir impliqués là-dedans. C'est la faute de votre cousin pour avoir lâché pendant qu'on était occupés à boire. Vous gagneriez peut-être à vous pencher là-dessus en revenant à Puits-Saint."
L'assassin cracha, et disparut dans l'ombre, laissant Athel Revus songer à ce qu'il ferait de son nouveau troupeau... et au temps qu'il faudrait pour que le cousin disparaisse avec sa concurrence déloyale.
BANUNG L'AVEUGLE
Civilisation : Ngomele
Auteur : Opera
Banung l'Aveugle était la meneuse de la tribu Zimge. Elle fut vaincue par une de ses semblables, Nga, pour avoir refusé de s'allier à Mvadang et Vungu. Nga lui arracha les yeux et les dévora, gagnant alors le surnom de Mangeuse d'Yeux. Elle ne tua cependant pas Banung ; elle l'enferma dans sa hutte, parce qu'elle appréciait toujours de lui parler. Banung développa petit à petit la capacité de voir sans yeux, avec juste l'aide de la Nature – ou, comme elle l'appelait, de la Mer Verte. Elle n'en parla cependant à personne. Une nuit, elle avertit Nga de l'approche d'un assassin en hurlant pour la réveiller. Nga la libéra alors et la garde depuis à ses côtés pour changer la façon dont son peuple voit.
BERNARDO JUVENAL
Civilisation : Descendants de Patria
Auteur : Jabie
Au temps où les tours de Patria projetaient leur ombre partout en Erebus, et où tous les drapeaux flottaient sous notre bannière, je servais la Cour Impériale en tant que marionnettiste pour le bon plaisir de l'Empereur. Je regardais et j'écoutais. Très vite, j'appris toutes les langues des hommes, pas simplement les répliques que prononcent les acteurs, mais le langage secret du corps, qui trahit le cœur et l'esprit. Je sentais l'espace entre chaque phrase, la vraie intention derrière chacune. Très vite, je fus capable d'estimer le caractère d'une personne et fis bon usage de ce talent pour identifier les attributs qui rendent chaque individu unique.
Très vite, je devins la coqueluche de tout Patria. Dans les temps heureux, j'étais toujours le premier invité aux banquets. Dans les temps de vaches maigres, je troquais le rire pour les larmes. Devant l'empereur, j'agitais mes marionnettes, ces aristocrates de soie et ces bureaucrates idiots, dévoilant leurs échecs mesquins. Plus d'une fois, un courtisan fut expédié dans une région distante de l'Empire à la suite de l'un de mes spectacles. Je me produisais dans les lieux de savoir et les temples des dieux. J'étais la Bouche de l'Empereur, louant tout ce qu'il louait, condamnant tout ce qu'il condamnait.
Mes spectacles préférés étaient ceux des jours de marché. Je n'avais jamais de meilleur public ailleurs. J'étais entouré d'acteurs : des marchands affirmant vendre la plus grande qualité, les gardes feignant la nonchalance, les clients plaidant la pauvreté. Le ballet du troc. Venez donc, bonne journée, attendez, merci bien. Les attroupements se créaient et je leur montrai les nouvelles de l'Empire et du monde. Ah oui, quel public. Comme ils riaient de mes satires. Et à la fin du spectacle, comme elle chantaient bien, les pièces qui tintaient sur le pavé. Mais ma plus grande récompense ne se mesurait pas en argent ; c'était l'admiration qu'ils me vouaient. Je regardais, et j'écoutais, et je me baignais dans cette gloire.
Mais à mesure que ma réputation et mon orgueil grandissait, la liste de mes ennemis s'allongeait de même. Les insultés, les ridiculisés, les jaloux. Chaque ligne que j'écrivais était un paragraphe de plus pour mon épitaphe. Chaque tressautement de mes marionnettes levait un autre poing contre moi. Chaque chanson donnait l'écho à un chœur de mécontents. Les fils de mes marionnettes allaient tresser la corde pour me pendre, et mes piques acerbes gravaient ma pierre tombale.
J'avais pour habitude, tard dans la soirée, de m'entraîner dans la cour du palais. Les ombres de mes poupées se projetaient légèrement rouges contre les murs de marbre poli. Mais en un soir décisif, une nouvelle silhouette se joignit à la fête. Trop pris dans mon art, je ne me retournai pas vers ce nouveau spectateur. La dague empoisonnée traversa sans faillir mes vêtements et mon dos. Je tombai au sol, les mains inertes, les doigts tendus vers le soleil mourant, tandis que mon sang noircissait et que ma respiration se faisait râle. Une dernière malédiction échappa à mes lèvres. Plus jamais je n'apporterai de joie à Patria. S'ils ne voulaient plus rire de mes comédies, qu'ils pleurent alors mes tragédies.
Lorsque l'Empereur me rappela à ses côtés, ce ne fut pas pour reprendre mon ancien rôle. Au lieu de cela, je fus nommé Scriptorium Regis, le Secrétaire Impérial. Les papiers s'étaient accumulés et avaient besoin d'être classés. Des étagères colossales tentaient tant bien que mal de contenir nos registres de recensement, tandis que la moisissure menaçait nos plus grandes épopées. Des rouleaux et des lettres étaient rassemblés en tas, mêlant édits impériaux et contrats de mariage, incantation mortelles et décrets insipides. Des cartes de notre ancienne gloire écrasaient des invitations froissées à signer un accord commercial. Des plans et schémas des armes inventées par nos esprits les plus brillants étaient jetées tels autant de dessins d'enfants. Tous les secrets de l'Empire, dans d'innombrables feuilles de papyrus.
J'appris l'art de la politique aussi vite que celui du spectacle, et très vite, je découvris qu'ils n'étaient guère différents l'un de l'autre. L'Empereur n'est jamais qu'une grande marionnette, ses courtisans sont les cordes qui le maintiennent en l'air, son palais le décor qui garde tout en place. Les conseillers qu'il consulte, les auteurs qui écrivent ses discours, les juristes qui rédigent les édits, les sages qui le gardent informé de nos avancées, les espions qui murmurent dans l'ombre ce que les émissaires diront en plein jour le lendemain ; tôt ou tard, ils ont tous besoin de l'aide du Scriptorium Regis.
Je regardai et j'écoutai.
Il en faut peu à un homme talentueux. Pour naviguer dans l'océan de la bureaucratie, il faut un navigateur expert. Un oubli de mot peut retourner complètement l'objectif d'une loi. Une ligne supplémentaire assure de récompenser un allié ou d'humilier un ennemi. Des rapports peuvent être perdus, des résultats retardés. Une coquille dans l'écriture d'un nom envoie un message au mauvais destinataire. Par le passé, je racontais des mensonges pour illuminer la vérité ; à présent, j'use de la vérité pour cacher les mensonges, par des ajustements subtils et des torsions imperceptibles. Seul un marionnettiste pouvait comploter avec une telle adresse.
Peut-être l'Empereur connaît-il mes manigances. Peut-être est-ce une sorte de vengeance subtil. Un autre piège ? Suis-je destiné à répéter les erreurs de mon passé ? Un bouc émissaire de convenance, qui sera frappé d'une dague empoisonnée sitôt que l'empereur en aura donné l'ordre. Tout cela et plus, et je m'interroge, car c'est encore tout ce que je peux faire.
Ce n'est plus ma danse. Je n'en ai pas dessiné la chorégraphie, ni orchestré la musique. Lorsque je fus appelé à la renaissance, ma muse revint avec moi. Dans le traumatisme de cette seconde genèse, j'ai perdu le contrôle... ou peut-être l'ai-je abandonné de mon plein gré. Je me meus à présent avec la grâce d'une marionnette, mes bras s'agitant en gestes saccadée au rythme imposé par des fils invisibles. Mes jambes suivent la cadence. Je prononce des paroles qui ne me sont jamais venues à l'esprit, spectateur silencieux d'un spectacle sans fin. Au fond d'un crâne vide, public captif dans tous les sens du terme, je regarde et j'écoute.
BERTUS
Civilisation : Mercuriens
Auteur : Black Whole
Kouronos était perdu. Perdu en Enfer. Le dernier affrontement avec les démons l'avait séparé de son unité après qu'un brouillard se fût emparé du champ de bataille. Kouronos avait perdu connaissance à ce moment. A présent, il était aux limites du champ de bataille, qui ressemblait plus que jamais à l'enfer. Il avait fini par s'habituer au ciel rouge et à la terre nue et désolée, mais aucun entraînement n'aurait pu le préparer à l'horrible spectacle de la vallée qui s'étendait devant lui, jonchée des cadavres déchirés de ses camarades Bannors.
Tandis qu'il vomissait, il entendit une voix familière demander :
"Kouronos, est-ce que ça va ?"
Il tourna la tête et croisa le regard de son ami vétéran. "Tipaso ?" fit-il d'une voix tremblante.
"Oui, c'est moi."
"Qu'est-ce qui s'est passé ? Je... je n'ai jamais vu une telle cruauté ! Et pourquoi sommes-nous toujours en vie ?"
"On a juste eu de la chance", déclara Tipaso sans hésitation.
Reprenant le contrôle de son corps, Kouronos se leva. "Seulement de la chance, tu en es sûr ? Je n'arrive pas à y croire. Peut-être Junil est-il venu nous sauver ?" rétorqua-t-il avec la confiance du dévôt.
"Ne me dis pas que tu crois toujours à ces sornettes ? L'intervention divine n'existe pas. Enfin, tu es encore jeune... Mais de toute façon, nous sommes dans le domaine d'Agares ; Junil n'a aucun pouvoir ici ! ... Qu'est-ce que tu fais ?" cria Tipaso à l'adresse de Kouronos, qui était retombé à genoux.
"Je prie. Pour le repos des morts", répondit calmement le jeune homme.
"Tu es fou ? Les démons vont revenir d'une minute à l'autre ! Il faut qu'on bouge !"
"Il est trop tard maintenant", dit une voix forte et claire, et en l'entendant, Tipaso cessa immédiatement de tirer Kouronos par la manche. "Heureusement, nous vous avons trouvés."
Les deux soldats se retournèrent, pour faire face à une apparition qui n'avait rien de commun avec leur environnement. C'était un ange dont les ailes étaient du blanc le plus pur qu'ils aient jamais vu, et qui avançait vers eux.
"Mon nom est Bertus. Je suis le chef de cette petite troupe d'éclaireurs", expliqua l'ange en désignant un groupe de ses semblables qui marchait à sa suite. "Qui êtes-vous, et que faites-vous ici ?"
"Je m'appelle Tipaso, et ce garçon à côté de moi, c'est Kouronos. Nous sommes des Bannors", expliqua le vétéran. Il lui expliqua ensuite la situation. Pendant ce temps, Kouronos observait l'ange avec attention. Celui-ci écoutait avec attention, comme s'il y avait un sens profond à saisir dans les paroles de Tipaso. Son visage était cependant dénué de toute marque d'expressivité. La blancheur de ses cheveux égalait celle de ses ailes. Il semblait désarmé, et Kouronos savait que cela était peu commun pour un ange. Il avait cependant à la ceinture un fouet irradiant d'une lumière surnaturelle. Soudain, les traits réguliers de Bertus se creusèrent, ses sourcils se fronçant et ses mâchoires se serrant en une expression haineuse. Kouronos eut un mouvement de recul.
"Tu oses me mentir ? Je sais que tu as vendu tes amis pour survivre."
Le ton de l'ange était encore relativement neutre, mais Tipaso recula à son tour comme s'il avait été transpercé par des flèches glacées. D'un mouvement si vif que Kouronos n'eut pas le temps de réagir, Bertus fit claquer son fouet et l'enroula autour du cou de Tipaso. Kouronos n'entendit qu'un cri et des crépitements, et lorsqu'il tourna de nouveau la tête, il ne restait plus de son ami qu'une pile de cendres. Alors qu'il pensait que les choses ne pouvaient être pire, l'ange dirigea sur lui ses yeux de glace.
"J'ai une question pour toi : as-tu la foi ?"
"Ou-oui..." bafouilla Kouronos.
"Alors il y a encore de l'espoir", répondit Bertus. Kouronos ressentit une douleur intense, et la lumière aveuglante qui l'engloutit se mua vite en ténèbres.
Lorsque Kouronos rouvrit les yeux, toute douleur avait disparu, et il revoyait le ciel brûlant. Il ne pouvait pas bouger, mais quelque chose avait changé. Il était allongé sur le dos... mais il semblait y avoir quelque chose entre lui et le sol.
"Ne bouge pas", lui intima la voix de Bertus. "Tu es toujours faible."
Sa première pensée fut : Suis-je mort, à présent ?
"D'une certaine façon, oui. Et dans le même temps, tu vis. Tu es à présent un ange, Kouronos", dit Bertus, semblant faire écho aux questions qui couraient dans sa tête. "Ta foi t'a sauvé. Mais ton ami est mort à jamais. Pour lui, il n'y avait d'autre issue."
Bertus s'éloigna, laissant Kouronos épuisé mentalement et physiquement, et en même temps impressionné par cette révélation.
Il entendit quelqu'un crier un ordre. "Soldat ! Ramenez la bleusaille au campement. Les autres, déployez-vous et explorez les environs de la vallée. On pourra peut-être trouver d'autre recrues."
Puis il se rendormit.
BORIS
Civilisation : Mechanos
Auteur : Arkham4269
Depuis ce jour fatidique où d'immondes petites choses ont rampé hors de la mer et crié vers les cieux "Je suis un homme", notre plus grande crainte a toujours été la conscience de notre mortalité. Mais ce soir, nous jetterons le gant de la science au visage de la mort même. Ce soir, nous nous élèverons vers les cieux. Nous raillerons le tremblement de terre. Nous commanderons à la foudre, et pénètrerons la forge même de l'impétueuse nature.
– Attribué au Techno-prêtre Mechanos Phroaderyk Phronkenstyn
Qu'est-ce que la vie ? Pour les philosophes naturalistes mechanos, la question devint d'autant plus intéressante que des expériences visant à canaliser diverses énergies dans de la matière morte produisirent un semblant de vie. Là où les adorateurs des dieux s'inquièteraient de l'absence d'âme, l'insatiable curiosité des Mechanos les poussa à s'aventurer toujours plus loin dans ce terrain inconnu, jusqu'à la nuit sombre et orageuse où Boris fut créé. Fabriqué avec un corps adulte, Boris est une créature simple. Doté d'une grande force et indifférent à la douleur, il sème la terreur sur les champs de bataille. Ironiquement, quand il n'est pas en train de faire couler le sang à la bataille, Boris aime les plaisirs simples semblables à ceux qu'affectionnent les petits enfants.